Sentinelles

A Orléans, le dispositif APESA a été évoqué la première fois en 2013 dans le sillage de l’expérience du tribunal de commerce de Saintes.

Après une période de scepticisme liée au caractère novateur de la démarche, le principe de réalité a rapidement pris le dessus.  L’idée s’est imposée progressivement au sein du tribunal.

Cette idée qui pouvait paraitre saugrenue au départ est devenue une évidence et même une urgence à mettre en place compte tenu de la détresse des chefs d’entreprise rencontrés quotidiennement et à l’impuissance à pouvoir y répondre autrement qu’en tentant de solutionner les seules difficultés financières.

Tous les acteurs ont pris conscience que le dispositif correspondait à un vrai besoin et comblait une vraie lacune qu’ils ressentaient confusément.

Le Procureur de la République chargé des affaires commerciales a soutenu la démarche et a ainsi permis de lever certaines réticences.

Le Président du Tribunal, le personnel du greffe, les juges consulaires, les mandataires, les administrateurs, les commissaires-priseurs, les avocats, les experts comptable et le parquet du ressort se sont ainsi mobilisés avec force et enthousiasme.

Avant, au sein du tribunal, nous parlions des problèmes économiques et sociaux, et nous étions à l’écoute de la détresse psychologique sans pouvoir y répondre correctement.

Parfois même, nous passions à coté avec des drames cachés à la clé.

Aujourd’hui nous parlons toujours chiffres et droit, mais nous ne nous contentons plus d’écouter la détresse exprimée, nous essayons de la détecter pour ne pas passer à côté et d’y apporter rapidement une solution concrète en toute confidentialité dans le total respect des personnes, de leur choix et de leur intimité.

Après détection et après accord du chef d’entreprise, nous passons immédiatement le relai à la plate-forme d’écoute d’APESA France et nous en restons là, le reste ne nous concerne plus, ce n’est pas notre métier, et cela ne rentre pas dans nos prérogatives.

Les chefs d’entreprise confrontés à des difficultés financières, se trouvent très souvent fragilisés par de problèmes familiaux ou médicaux.

La mise en place d’Apesa permet aux intervenants d’apporter une réponse pragmatique à la détresse psychologique générée par toutes ces difficultés.

L’intervention rapide de professionnels de la santé, bien formés à la problématique donne toute satisfaction et la résolution des problèmes psychologiques permet d’appréhender les procédures sous un angle plus positif.

Avec APESA, le tribunal remplit ainsi pleinement son rôle, celui d’être au service des justiciables en mettant au cœur de ses préoccupations les conséquences humaines de ses décisions.

Le dispositif Apesa valorise la démarche des professionnels de la procédure, conforte l’utilité, l’efficacité de leur action, et lui donne tout son sens. 

Il est aujourd’hui parfaitement opérationnel.

Le dispositif change le regard porté sur les tribunaux de commerce et contribue par ailleurs au développement des procédures de prévention proposées par ces mêmes tribunaux.

Il permet ainsi de répondre de manière satisfaisante à la question suivante :

A quoi sert-on ?

C’est pourquoi, j’invite fortement l’ensemble des tribunaux de commerce à l’adopter sans réserve."

Thierry Daniel, Greffier Associé du TC d’Orléans


 

"En relation dans le cadre d’une procédure collective avec une dirigeante d’entreprise en grande difficulté, l’aide d’APESA a été bénéfique pour cette personne, mais aussi pour l’auxiliaire de justice. Le relais apporté par l’association est ainsi vecteur d’accompagnement du dirigeant mais aussi soulagement pour le professionnel qui trouve dans le réseau le moyen de pouvoir aider l’entrepreneur et de transférer les difficultés du chef d’entreprise qui seraient d’ordre émotionnel, et donc hors de notre sphère de compétence."

Maître Lucile Jouve, Mandataire judiciaire à Paris


 

"Quel président de juridiction commerciale, quel juge des procédures collectives ne s’est pas posé un jour la question :
Que va faire cet homme ou cette femme qui vient d’entendre prononcer la mise en RJ ou en LJ de son entreprise ?
Certes la décision prise était la seule possible, certes il (ou elle) a confirmé sa demande mais devant toute cette souffrance humaine qui vient de s’exprimer que pouvons-nous faire ?
Le grand vide s’est installé, les pleurs ou les phrases inquiétantes laissent planer un grand malaise et moi qui préside je ne sais que faire…

C’est pour avoir vécu cet état et ressenti le malaise d’autres juges de notre Tribunal que nous avons rejoint le dispositif APESA.

Pouvoir dire à un débiteur : voilà nous avons mis en place les moins mauvaises solutions pour votre entreprise mais maintenant prenons quelques minutes pour parler de vous.
Nous pouvons, si vous en êtes d’accord, vous faire aider.
Croyez-moi ces simples phrases changent TOUT.
Une petite détente peut s’installer, un autre dialogue s’ouvrir et on ne quitte plus le Tribunal en se disant : cette personne peut mettre fin à ses jours et je n’ai rien à lui proposer !

C’est très simple, c’est assez bref en général mais cette main tendue peut redonner un sens de Vie à l’autre et bien certainement contribue à en donner un autre à la nôtre…

On peut toujours trouver toutes les bonnes raisons de ne pas faire.
On peut aussi considérer que tendre une main est essentiel.
Sans bruit, sans jugement, simplement en n’acceptant pas le nombre de suicides de chefs d’entreprises dans notre pays comme une fatalité."

Serge Faguier, Président du tribunal de commerce de Laval


 

"Mon métier m’a confronté à toutes sortes de situations. Et pourtant, rares sont les moments où nous pouvons nous laisser gagner par l’empathie. Ce monde des chiffres confronté à celui de la loi ne laisse que peu de place aux sentiments, aux manifestations, aux réactions, de joie ou de détresse.

Notre objectif : la santé de l’entreprise. Mais qui pour s’occuper de la santé de celui qui prend des risques pour elle ?
Nous tous, experts comptables, mandataires, greffiers, juges, assureurs… qui accompagnons ces chefs d’entreprises dans l’aventure humaine qu’ils conduisent, sommes bien démunis lorsque nous sommes confrontés à la détresse de ceux d’entre eux qui doivent y mettre un terme.

C’est pourquoi, lorsque dans le cadre de mon activité parlementaire j’ai rencontré Marc Binnié, Greffier du Tribunal du Commerce de Saintes, j’ai immédiatement soutenu le dispositif APESA qu’il me présentait.

Les PME sont la pierre angulaire de notre économie : on en compte 2,4 millions en France, c’est 96 % des entreprises françaises, soit 2 emplois sur 3. La majorité des patrons de PME connaissent bien leurs salariés, ainsi que leurs familles. Un échec entrepreneurial dans ce contexte met l’entrepreneur directement face à sa responsabilité sociale, difficulté supplémentaire lorsqu’on évolue déjà dans un environnement où l’échec est tabou et où la solidarité est rare. La détresse psychologique du chef d’entreprise qui subit un revers est ainsi aggravée, et peut l’être d’autant plus en fonction du contexte familial.

Ce constat vaut pour tous les secteurs d’activités, qu’il s’agisse du monde agricole, de l’artisanat, de l’industrie, du commerce ou de la prestation de services…

Nous devons être en capacité d’apporter une aide à ces hommes et ces femmes en souffrance. APESA répond à un réel besoin de celui qui doit faire face et surtout rebondir. Il répond également au désarroi des professionnels qui doivent l’accompagner dans la fin programmée de l’aventure qui était la sienne.

Je souhaite que bientôt dans notre pays, un cadre réglementaire puisse permettre qu’un tel dispositif de formation et de prévention soit accessible à chacun."

Bernard Lalande, Sénateur de la Charente-Maritime, Expert-comptable, Commissaire aux comptes


 

"Dans le cadre de la mise en place du plan de prévention du suicide des chefs d’entreprise, il m’est apparu intéressant de livrer, en quelques lignes, mes impressions et mon ressenti sur ma pratique professionnelle face à ce sujet d’actualité.
Convaincue depuis toujours de l’aspect primordial de l’humain de la profession de mandataire judiciaire, que j’exerce depuis un peu plus de cinq ans maintenant, j’avais été particulièrement intéressée par la rencontre de sensibilisation qui avait été organisée il y a quelques mois autour de l’équipe de Monsieur DOUILLARD, psychologue clinicien, coordinateur du programme régional de santé chargé de la promotion de la santé mentale et de la prévention du suicide.

Nous sommes effectivement trop souvent confrontés, dans nos professions, à la détresse des chefs d’entreprise qui se sentent seuls face à leurs angoisses et face à un certain sentiment de culpabilité inévitable, qui peut les conduire parfois à l’irréparable.

Nous ne pouvons apporter une réponse adaptée qu’en privilégiant l’écoute et le dialogue et en consacrant plus de temps aux personnes que l’on détecte comme « fragiles », sans pour autant avoir été formés pour gérer ces situations délicates.
Les conseils avisés d’un professionnel et l’approche différente que Monsieur DOUILLARD et son équipe ont pu nous apporter, tant à nous, professionnels, qu’à nos collaborateurs qui sont également « en première ligne », ont été autant de pistes et de clés qui nous sont utiles dans notre pratique quotidienne.

Comprendre le mécanisme de la crise suicidaire, en connaître les signes précurseurs et apprendre surtout à poser les bonnes et les vraies questions, sans avoir peur de blesser ou d’aller trop loin, sont les points essentiels que j’ai retenus des diverses interventions.

L’analyse des facteurs de risques et des facteurs dits « de protection » permet aussi d’évaluer et de gérer nos inquiétudes et de « passer le relais » à des professionnels quand cela s’avère nécessaire.

J’ajoute que, pour ma part, j’ai déjà fait appel à l’équipe de Monsieur DOUILLARD pour deux personnes qui ont pu bénéficier chacune d’une prise en charge adaptée et je dois dire que c’est un grand soulagement pour nous, qui ne sommes plus isolés face à ces problématiques qui ne sont malheureusement pas un cas d’école.
Entourés, nous nous sentons mieux armés !"

Maître Rousselot-Gegoue, Mandataire Judiciaire


 

“Le dispositif APESA relève non seulement de la “Jurisprudence Thérapeutique” mais également de la “Justice Procédurale ». Je pense qu’APESA soulève des questions importantes. 

Les principes d’APESA peuvent aussi être rattachés au concept de « Justice durable », dès lors que ce concept a un caractère global incluant d’autres notions telles que la Justice Procédurale, la Justice Thérapeutique, la Justice non-accusatoire, la justice résolutive de problème, la médiation judiciaire, la justice interculturelle, la justice restauratrice et plus largement tous courants dont la pensée et la pratique professionnelle ont pour finalité d’améliorer les relations humaines, la qualité des relations sociales, et le bien-être en général."

M. Xavier de Savornin Lohman, Fondateur du centre pour la justice durable